La justice médiatique est plus destructrice que protectrice . Il n’y a que très peu de temps ,que j’arrive à lire sans interruption,un dossier de viols. Pendant des années je ne pouvais pas préparer mes dossiers d’assises sans m’arrêter ,régulièrement, parce que l’horreur me donnait la nausée, physiquement et m’obligeait à stopper ,avant d’y revenir. Parce que le viol est un des crimes les plus odieux,parce que l’on imagine ces corps meurtris , qui n’ont pas pu et pas su dire ce qu’ils ont été empêchés de révéler et bien plus encore,et pour toujours. Alors on étudie ,on décortique les déclarations des uns des autres ,on analyse les éléments de preuve ,et ceux qui n’en sont pas ,jusqu’à comprendre ,jusqu’à entendre jusqu’à savoir. Seule l’enquête et puis l’instruction permettent de recueillir des éléments de preuve certains :d’entendre les « présumés innocents « et aussi les victimes , et d’arriver au procès. A ce moment essentiel qu’est le procès devant la Cour d’Assises qui est, rappelons-le ,un pilier de la justice dans une démocratie. Ces procès sont essentiels et toujours réparateurs pour les victimes. Alors la procédure judiciaire prend du temps ? Bien sûr .Beaucoup de temps ? Oui. Deux ans , Trois ans et souvent plus. Parce que la justice est longue et manque de moyens financiers? Oui ,

mais aussi parce que le travail sérieux ça prend du temps . Toujours ,et dans tous les domaines. Parce que l’on n’a pas le droit de condamner un innocent ni de bafouer la présomption d’innocence ,autre pilier . de la justice dans une démocratie. Parce qu’il faut plus que la déclaration ,que les déclarations des victimes. Il faut des témoignages ,il faut des confrontations ,il faut des expertises médicales mais aussi psychologiques et psychiatriques . Ça prends du temps le travail sérieux . Oui . Et puis le temps permet aussi de confirmer ou d’infirmer les déclarations, des uns et des autres.. La constance des déclarations étant un élément de preuve essentiel dans ces dossiers .Mais le temps est aussi , et peut être, surtout essentiel et réparateur pour les victimes. Parce que le temps permet de libèrer la parole interdite et trop longtemps enfouie, et avec elle c’est le corps et l’âme qui se réparent,doucement petit à petit .Et il apaise le temps ,en permettant de prendre du recul ,de comprendre pourquoi il faut parler,sans peur ,pourquoi il faut être reconnue comme victime,pourquoi il faut une condamnation et aussi tellement d’autres choses. Oui il faut du temps pour une victime de se connaître ,de se reconnaître ,si l’on veut pouvoir continuer après ,a vivre avec l’inacceptable. Alors que fait on de ce temps nécessaire à une bonne justice et une bonne réparation quand on lui préfère le déballage médiatique et la Machine infernale des réseaux sociaux ? Livrer ainsi sa plus profonde intimité, c’est d’abord être obligé de donner au monde entier les détails de ce qui n’appartient qu’à nous . Paradoxe inquiétant que de se livrer ainsi, après avoir été abusé ,sans consentement. Cette intimité volée ,qui doit être respectée , et qui mérite condamnation quand elle ne l’est pas, est à présent offerte par les victimes elles même au monde entier. Ainsi les victimes choisissent de se jeter

seule,dans l‘ arène, l’arène .... du voyeurisme . Sans filet de protection , avec une diffusion de ce qui aura été livré qui ne pourra plus être maîtrisée.Et elles exposent ce qu’il y a de plus intime et de plus précieux.En livrant un secret , qui ne leur appartient plus et dont elles ne pourront plus contrôler les utilisations , les interprétations et les déformations pouvant aller jusqu’à la remise en cause de leurs déclarations et pire encore. Tout ça pourquoi ? Pour dénoncer ? Pour être entendues ?Mais par qui ? Par des non professionnels qui ne pourront apporter aucune réponse de fond aucune solution et donc aucune réparation. Si ce n’est au mieux des soutiens et au pire des critiques et remises en cause destructrices.Et il en restera quoi?D’avoir détaillé l’innommable. Quelques likes qui seront oubliés aux prochaines « confidences »et qui en fin de course n’auront fait qu’alimenter quelques discussions et articles de « bien pensants « qui n’auront jamais eu accès à un dossier construit et travaillé . Non ni les médias ni les réseaux sociaux ne remplacn

ent pas la justice. Ils sont à cette place dangereux pour ne favoriser que l’émotion et les impressions qui ne sont ni justes ni justice , et ne peuvent être qu’en fait une deuxième condamnation. Les victimes méritent mieux que ça. Elles méritent un vrai lieu de parole assistées et défendues par de vrais professionnels et spécialistes sans qui ni la justice ni la réparation ne peuvent passer. Et c’est seulement dans cette enceinte que la médiatisation peut trouver sa place. Corine Serfati Chetrit Avocat au Barreau de Perpignan